INTRODUCTION : L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit l’adolescence comme une période de transition entre l’enfance et l’âge adulte, allant de 10 à 19 ans. L’adolescence est également l’âge où apparaissent les premières expérimentations de la consommation d’alcool et notamment le binge drinking (aussi appelé alcoolisation ponctuelle importante en français). Ce pattern de consommation est caractérisé par une alternance d’épisodes d’intoxication alcoolique et de périodes d’abstinence et se traduit par la consommation d’au moins 5 verres d’alcool standard en une occasion. En France, en 2017, 44% des jeunes français de 17 ans rapportaient au moins un épisode de binge drinking au cours des 30 derniers jours. De nombreuses études ont démontré l’impact négatif des épisodes de binge drinking sur la santé des adolescents, aussi bien immédiats qu’à plus long terme. Ce phénomène constitue donc un véritable problème de santé publique sur lequel il est indispensable d’agir. L’utilisation de la théorie dans les programmes de prévention a montré un intérêt dans l’élaboration des interventions et des techniques d’interventions associées (en
permettant l’identification des concepts clés) mais également dans l’amélioration des théories (grâce à l’apport des données empiriques). Toutefois, sur la base de la littérature existante, nous avons constaté qu’il n’existe que peu d’interventions utilisant un modèle théorique pour prévenir la consommation d’alcool auprès des jeunes. En outre, l’application du Modèle Intégré des Changements de Comportement (MICC – modèle combinant la théorie de l’autodétermination et la théorie du comportement
planifié), pourtant jugé prometteur par les études, n’a à ce jour pas encore été appliqué pour prévenir le binge drinking chez les adolescents.
OBJECTIF : Dans ce travail doctoral nous nous sommes interrogée sur la pertinence du MICC pour expliquer le binge drinking chez les adolescents. Nous nous sommes également questionnée sur l’efficacité d’une intervention basée sur ce modèle théorique pour réduire les comportements de binge drinking des adolescents.
MATERIEL ET METHODE : Un essai randomisé contrôlé en clusters a été réalisé auprès de 2704 élèves (54,5% femmes ; âge moyen = 15,6, ET = 0,70) de seconde et première, inscrits dans 8 lycées d’enseignement général et technologique de la région Occitanie. L’intervention comprenait deux phases : une phase visant à promouvoir la motivation autonome des élèves et une phase consistant à diffuser des actions de prévention du binge drinking basées sur la théorie du comportement planifié et réalisées par des lycéens volontaires. Un questionnaire comportant des indicateurs sur les habitudes de consommation d’alcool, le binge drinking récent et les construits du MICC a été rempli par les élèves lors de leur inclusion dans l’étude puis à la fin de l’intervention.
RESULTATS : Nos résultats ont révélé un bon ajustement et une bonne prédictivité du modèle théorique (52,9% de la variance de l’intention), démontrant que le MICC constitue un cadre heuristique pour rendre compte des mécanismes motivationnels et socio-cognitifs sous-jacents au binge drinking. Nous avons également démontré que l’intervention s’avère efficace pour enrayer la progression des jeunes lycéens dans ce pattern de consommation nocif (1,2 points d’évolution dans le groupe intervention contre 9 points dans le groupe contrôle). Si notre étude a permis de freiner la progression du binge drinking, son efficacité ne semble toutefois pas liée à la modification des processus motivationnels et socio-cognitifs mentionnés dans le MICC, excepté pour les attitudes qui se renforcent et deviennent davantage en défaveur du binge drinking.
CONCLUSION : Ces résultats offrent ainsi des pistes de réflexions et des perspectives intéressantes notamment en ce qui concerne la pertinence de maintenir un suivi longitudinal à plus long terme afin d’identifier les trajectoires de consommation des jeunes adolescents et l’intérêt d’améliorer le MICC pour permettre, in fine d’améliorer le développement des programmes de prévention de l’alcool auprès d’une population particulièrement sensible aux comportements à risque.