INTRODUCTION : En autorisant tout médecin à prescrire du Subutex, la législation française désigne les généralistes libéraux comme acteurs essentiels d’une politique de santé publique liée à l’usage de drogues : la dispensation de Traitements de Substitution aux Opiacés (TSO).
OBJECTIF : Cette thèse vise à comprendre comment la médecine générale compose avec cette prérogative.
PROBLEMATIQUE : L’appropriation des TSO par les généralistes se décline à un niveau collectif – à quelles conditions cette mission peut-elle être assumée par ce groupe professionnel ? –, mais aussi sur le plan interactionnel – comment une personne dépendante devient-elle le patient d’un généraliste ? La question de l’appropriation d’une politique publique rejoint donc celle de l’acquisition problématique du statut de « patients » pour des individus socialement stigmatisés, et relevant parallèlement d’une politique pénale.
MATERIEL ET METHODE : Fondé sur une enquête par entretiens et observations de consultations.
RESULTAT : Notre travail montre que les généralistes s’approprient les TSO au moyen d’un processus de tri des patients et des tâches accomplies. La notion de tri est heuristique pour décrire les adaptations des généralistes à l’extension de leurs prérogatives par les politiques publiques : loin de manifester un refus de mettre en œuvre la politique substitutive, le tri vise à la rendre compatible avec les valeurs et modes d’organisation propres à la médecine générale. Les pratiques de tri des médecins s’inscrivent dans un système local de prise en charge, sur lequel ces derniers s’appuient pour adresser les indésirables à leurs confrères. Cependant, leurs critères de sélection produisent des inégalités d’accès aux traitements : tous les « toxicomanes » ne deviennent pas des « patients » dans les mêmes conditions.
CONCLUSION : L’ethnographie des consultations suggère que le statut de patient s’acquiert au cours de la construction d’une relation avec le médecin, où la prescription du TSO devient progressivement routinière. Dès lors, le stigmate de « toxicomane » s’estompe au profit du statut de patient de la médecine générale. Cette thèse invite à confronter plusieurs échelles et niveaux d’analyse, en envisageant la mise en œuvre d’une politique de santé sous l’angle des interactions médecin-patient.