Depuis octobre 2021, le dispositif TAPAJ1 s’est implanté à Perpignan. Il est porté par le CAARUD2 Ascode, de l’association Joseph Sauvy. TAPAJ offre aux jeunes consommateurs en situation de précarité des opportunités de travail à la journée, facilitant ainsi leur réinsertion sociale et économique. Cet article explore le fonctionnement du programme et présente des témoignages des acteurs impliqués.

Le fonctionnement du dispositif TAPAJ

Le programme TAPAJ cible les jeunes âgés de 16 à 25 ans en situation de vulnérabilité. Ces jeunes sont souvent éloignés des dispositifs traditionnels d’insertion et présentent des problématiques variées telles que des addictions, des problèmes de logement ou des parcours difficiles. Mme H., travaillant pour TAPAJ Perpignan, explique :

« Notre rôle dans l’accompagnement des jeunes, c’est de pouvoir intervenir le plus vite possible dans le parcours de consommation pour éviter que la situation ne s’aggrave et apporter toute la réduction des risques qu’on peut faire au CAARUD. »

— Mme. H., Travailleuse sociale

Les jeunes peuvent accéder au programme de différentes manières : par auto-orientation, via des pairs ou des institutions telles que la Croix-Rouge, l’Aide Sociale à l’Enfance, les Maisons d’Enfants à Caractère Social ou la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Une fois intéressés, ils participent à un premier entretien d’accueil pour vérifier leur éligibilité et expliquer le fonctionnement du programme. A noter, que le jeune qui pousse la porte de TAPAJ Perpignan est dans une démarche volontaire, son arrivée dans le dispositif nécessite en grande partie de la motivation et ne requiert qu’un bas seuil d’exigence (16-25 ans, addictions, errance ou risque d’errance).

« Lors de l’entretien d’accueil, on vérifie les critères et si le jeune est bien concerné par notre programme. […] Cet entretien me permet déjà de faire connaissance avec le jeune, d’expliquer notre fonctionnement. Je vais valider de mon côté les documents nécessaires pour son inscription auprès de l’association intermédiaire Adesol et je vais voir aussi si le dispositif lui convient. Parce que parfois, j’ai des jeunes qui me disent que ce n’est pas ce qu’ils veulent. »
Mme. H.

Les plateaux de travail : un outil d’insertion

Les jeunes sont intégrés à des chantiers de travail, appelés « plateaux de travail », où ils peuvent se créer un lien de confiance avec les encadrants sociaux. Mme H. précise :

Chantier peinture

« L’idée, c’est dans un premier temps d’accueillir ces jeunes au travers de plateaux de travail, de créer du lien. De pouvoir intervenir avec le jeune durant ces temps-là, d’être à ses côtés, c’est ce que TAPAJ France appelle l’entretien côte à côte. On est avec eux en train d’exercer la mission, que ce soit ramasser des déchets, peindre ou déménager. Ça nous permet de créer un lien, de rentrer en relation avec les jeunes en dehors d’une démarche classique derrière un bureau. »

Mme A., coordinatrice technique, décrit le processus d’organisation des plateaux de travail :

« Les chantiers nous sont commandés par des entreprises, des associations, des collectivités territoriales ou des particuliers. On fonctionne comme une entreprise prestataire de services, c’est-à-dire qu’on nous contacte avec un besoin. Je me rends sur place pour effectuer une visite de site, pour chiffrer le chantier, voir l’outillage dont on va avoir besoin et rédiger le plan d’intervention. »

Concernant les missions effectuées, elles se doivent d’être simples et compréhensibles de tous. L’idée est de valoriser le travail du jeune au travers des plateaux de travail, de lui faire reprendre confiance en lui. Pour ces raisons, les missions sont diverses et variées, mais ne requièrent pas une technicité spécifique. Voici quelques chantiers évoqués par Mme. A. :

« On fait essentiellement de la manutention comme les déménagements, le débarrassage, l’enlèvement de terrasses, du parquet. Ensuite, on fait pas mal de nettoyage, ça peut être l’intérieur de logements laissés qu’il faut nettoyer pour les prochains locataires ou du nettoyage de fin de chantier avant un aménagement de bureaux. Ensuite, il y a toute la partie nettoyage en extérieur où on nettoie les aires de covoiturage du conseil départemental. […] Dès fois, on nous appelle quand il y a du dépôt sauvage pour débarrasser un champ. On fait aussi de la remise en peinture et un petit peu d’espace vert. Mais ça, ce sont vraiment des missions type : tailler une haie, élaguer un petit arbre, désherber. »

— Mme. A., Coordination technique

Les plateaux de travail durent généralement entre deux et quatre heures, permettant aux jeunes de s’engager sans que cela devienne trop lourd ou décourageant. Ils se déroulent habituellement entre 9h et 13h. Les encadrants sociaux facilitent l’organisation des missions en offrant deux points de rendez-vous : à 8h30 au local TAPAJ et à 8h45 sur le parking de la gare de Perpignan. L’objectif est d’être sur le chantier à 9h pour commencer la mission.

Sur les chantiers, les jeunes travaillent sous la supervision des encadrants sociaux qui les accompagnent et les guident. Ces temps de travail sont également des occasions pour échanger, renforcer les liens de confiance et aborder des sujets personnels ou liés aux consommations. Mme H. souligne :


« On met en avant notre posture de réduction des risques en disant : on accepte la consommation et on est sans jugement. Ça dédramatise un peu, je pense, et ça laisse la parole plus libre. […] Ce sont des échanges pas maîtrisés, qui viennent des usagers eux-mêmes. […] Tu vois le jeune, il arrive sur le chantier, il a des tous petits yeux, je lui dis : ah bah tu es fatigué ce matin, non ? Il me répond : ouais j’ai fumé juste avant de venir, j’ai consommé. Et là, toi, tu rebondis sur le sujet. »

Chantier nettoyage quartiers

Vers 13h00, le plateau de travail se termine, les jeunes se rendent à l’association intermédiaire3 pour recevoir leur rémunération. Elle est de 10€ de l’heure, payée en espèces par l’association intermédiaire, le jour même du plateau de travail. Cette rémunération immédiate est un aspect crucial du dispositif TAPAJ, car elle offre aux jeunes une stabilité financière et une reconnaissance après leur effort. Après cette étape, les jeunes ont la possibilité d’être reconduits aux points de rendez-vous matinaux.

Les phases du dispositif TAPAJ

Le dispositif TAPAJ France s’adapte aux jeunes en trois phases, chacune visant à les accompagner progressivement vers une réinsertion durable.

Phase I : cette phase se concentre sur l’engagement initial des jeunes dans des missions de travail à la journée. L’objectif est de stabiliser financièrement le jeune, qui peut accéder aux plateaux de travail sans expérience, ni qualification particulière. Il lui suffit de prendre rendez-vous par téléphone, de fournir les pièces demandées et il est alors positionné sur son premier chantier au plus tard la semaine suivante.

Phase II : au cours de cette phase, l’accent est mis sur l’inclusion sociale et professionnelle des jeunes. Un accompagnement est assuré par un travailleur social pour aborder des aspects tels que la santé, la justice, le logement, le travail ou certaines démarches administratives. Ces accompagnements sont effectués tous les après-midis de la semaine, directement au local TAPAJ. En entrant dans cette phase, les jeunes sont encouragés à s’engager plus régulièrement sur les plateaux de travail et à développer des compétences transférables pour le marché du travail.

Phase III : cette phase consiste à accompagner le jeune vers la sortie du dispositif en lui proposant une rémunération hebdomadaire ou mensuelle sous forme de virement bancaire. Les jeunes sont invités à effectuer des plateaux de travail en autonomie pour les préparer progressivement au monde du travail. Cependant, cette phase n’est pas pratiquée par TAPAJ Perpignan en raison d’un manque de demande, de la mobilité limitée des jeunes et du manque de transports en commun dans la région des Pyrénées-Orientales. Mme H. explique :

Les Tapajeurs.euses

« L’objectif est de se rapprocher le plus possible du contexte du travail. Ils peuvent intervenir seuls sur des plateaux de travail, c’est-à-dire sans encadrement, un peu comme une mission d’intérim. On l’appelle : Allô, t’es dispo ? Y a du ménage à faire là-bas, pendant 4h, c’est Ok ? Tu y vas, c’est toi qui te déplaces, qui va faire la mission de travail, tu vas chercher ton salaire. Tu es vraiment en autonomie au maximum. »

Aujourd’hui, TAPAJ Perpignan se concentre principalement sur les phases I et II. Le dispositif offre des missions variées et rémunérées immédiatement, tout en assurant un accompagnement personnalisé et en préparant les jeunes à des transitions plus durables.

Sortir du dispositif et après ?

Un élément important à savoir est que le dispositif TAPAJ accueille les jeunes de 16 à 25 ans révolus. Cela signifie que pendant toute sa 25e année, le jeune peut continuer à bénéficier de l’accompagnement proposé. Durant cette période, il peut envisager différentes sorties du dispositif. Il existe trois types de sorties reconnus. La première est lorsque le jeune déménage dans un autre département pour diverses raisons. La deuxième est la perte du lien, ce qui signifie que le jeune ne donne plus de nouvelles pour une raison inconnue. Enfin, il y a les « sorties positives », comme l’explique Mme H. :

« Le terme positif me dérange, car il signifie que les autres sont négatives. Mais pour donner des exemples avec ce que j’ai le plus, ça serait des sorties vers des chantiers d’insertion, vers l’apprentissage, reprise de contact avec la MLJ4 et contrat d’engagement. […] On a aussi eu des CDD, comme des contrats saisonniers, puis ils enchaînent, similaires à ça, nous avons un peu d’intérim. »


— Mme. H., Travailleuse sociale

Il est important de noter que si une personne est dans une phase d’accompagnement et que certaines démarches sont entamées pendant sa 25e année, celles-ci sont poursuivies jusqu’à leur finalité. TAPAJ Perpignan ne met pas fin à l’accompagnement d’un jeune lorsqu’il a atteint la limite d’âge. Cependant, ces situations restent rares, car les jeunes connaissent bien le dispositif et la plupart terminent leur parcours avant cette échéance. Même après la fin de l’accompagnement et la sortie du dispositif, un jeune peut, en cas de besoin, recontacter TAPAJ pour obtenir de l’aide.

Conclusion

Comme tout programme, TAPAJ fait face à plusieurs défis. L’un des principaux est de maintenir l’engagement des jeunes sur le long terme et de les accompagner vers des solutions pérennes. Néanmoins, les perspectives restent positives, avec une augmentation du nombre de tapajeurs et tapajeuses et un réseau de clients qui s’étend.

En résumé, le dispositif TAPAJ est un pilier essentiel pour l’inclusion sociale des jeunes en situation de précarité à Perpignan. En offrant des opportunités de travail à la journée, TAPAJ se révèle être un outil puissant pour aider les jeunes en grande vulnérabilité à retrouver une certaine stabilité et à envisager un avenir meilleur. Ce dispositif contribue à stabiliser la vie des jeunes participants et à leur donner les outils nécessaires pour une réinsertion réussie.


  1. TAPAJ : Travail Alternatif Payé à la Journée ↩︎
  2. CAARUD : Centre d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des Risques pour Usagers de Drogues ↩︎
  3. Adesol : association intermédiaire, gestion de la partie RH et financier, c’est-à-dire déclaration, bulletins de salaire, contrats de travail, versement des salaires. ↩︎
  4. MLJ : Mission Locale Jeunes ↩︎



Contacts :

TAPAJ Perpignan

22 Avenue du Général Guillaut, 66000 Perpignan

contact.tapaj.perpignan@asso-sauvy.fr

07 88 92 75 46



Infos pratiques :
  • L’accès aux plateaux de travail se fait après un premier rendez-vous.
  • Un justificatif d’identité (pièce d’identité, livret de famille, déclaration de perte) et le numéro de sécurité sociale seront demandés.
  • Un mineur doit fournir un document lui donnant l’accord de travailler, de la part de ses parents ou de son tuteur légal.
  • Lors des chantiers, chaque jeune reçoit les Equipements de Protection Individuel (EPI) nécessaires (gant, veste, bonnet, casquette, lunette solaire et protectrice, crème solaire…).

Ressources complémentaires :

Vous êtes une collectivité, une entreprise ou une association basée dans les Pyrénées-Orientales et vous êtes intéressé par le dispositif TAPAJ :

Vous avez entre 16 et 25 ans ou vous travaillez au contact de jeunes pouvant être intéressés par les plateaux de travail et l’accompagnement proposé par TAPAJ 66 :

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