Le n° 156 de Tendances publié par l’OFDT présente les résultats d’une étude sur les pratiques de prescription de médicaments opioïdes antalgiques dans le cadre du traitement de la douleur chronique non liée au cancer.
Des pratiques solitaires, sans formation et/ou expérience
Fondée sur des entretiens approfondis menés auprès de médecins généralistes, l’analyse porte d’abord sur les facteurs de décision de prescription (et de déprescription). Outre les manques de formation et/ou d’expérience en addictologie, l’analyse montre que les difficultés rencontrées tiennent surtout aux difficultés de coopération entre les acteurs du système de soins.
Un contexte d’exercice crucial pour comprendre les disparités
Le contexte d’exercice des médecins (cabinet libéral, maison de santé, centre de santé, etc.), de nature à mettre les acteurs de soins en relation, à renforcer leur capacité d’agir sur des cas critiques et à modifier la place de la médecine générale dans la prise en charge d’une dépendance ou d’une addiction* médicamenteuse, est crucial pour comprendre la pluralité des pratiques.
Synthèse de l’étude
Ce numéro de Tendances apporte des éléments de connaissance concernant les pratiques de prescription d’antalgiques opioïdes des médecins généralistes en s’intéressant aux difficultés qui y sont liées. Cette étude remet les pratiques des médecins dans leur contexte, en examinant leur confrontation à des situations critiques et en les inscrivant dans des configurations sociales de soins (relations entre différents professionnels de l’organisation des soins).
Les médecins généralistes interrogés identifient différents types de situations qui leurs posent problème au quotidien et qui interrogent non seulement le comportement des patients, mais aussi le médicament lui-même. L’analyse de la manière dont les médecins s’organisent pour les prendre en charge fait ressortir trois positionnements différenciés des médecins :
- une « internalisation » des problèmes avec les MOA (quand les ressources et les moyens sont suffisants pour les prendre en charge sur place),
- une « externalisation » (lorsqu’une orientation vers des collègues jugés plus compétents est choisie),
- ou une « minimisation » (lorsque les cas de dépendance ou d’addiction sont adressés aux spécialistes de la douleur de manière exclusive).
Sortir du « colloque singulier » entre médecin et malade a permis de mettre en exergue une multiplicité de facteurs qui infléchissent et orientent la décision de prescrire, modifier ou arrêter un MOA : le travail collectif, la vision du rôle de la médecine générale, la formation et l’information scientifiques, le positionnement critique par rapport aux risques de médicaments opioïdes, les expériences pratiques, etc.
Plus généralement, pour comprendre les difficultés des médecins généralistes dans le repérage et la prise en charge des dépendances aux opioïdes antalgiques, les résultats de l’étude EMOA montrent qu’il faut tenir compte du manque de formation et d’expérience pratique (qu’il s’agisse du retour d’expériences des patients, d’autres acteurs de soins ou du propre vécu des médecins). Ces dimensions pèsent autant que les savoirs scientifiques et encouragent les médecins généralistes à la vigilance envers les risques de dépendance et d’addiction.
Cependant, les difficultés à modifier ou arrêter la prescription d’un médicament qui a été initiée par un autre professionnel, ou dans d’autres secteurs de la chaîne de soins, tiennent surtout aux difficultés de coopération entre acteurs du système des soins et aux engagements assumés dans la prise en charge. Si le « modèle à suivre » pour améliorer le traitement des maladies chroniques et la coordination entre les différents secteurs de soins (médecine de ville, hôpital, médico-social) correspond à celui de « l’internalisation », il faut néanmoins souligner que les généralistes qui s’en rapprochent sont habitués à travailler en équipe avec des acteurs de multiples réseaux ancrés dans leur territoire local d’exercice, et avec qui ils et elles partagent la même logique de travail.
Lire le numéro 156 de Tendances de l’OFDT
Lire le communiqué de presse de l’OFDT
Pour aller plus loin
- Pratiques de prescription et d’usage d’antalgiques opioïdes : une analyse sociologique – OFDT (2023)
- Thèse : Antalgiques opioïdes et douleur chronique : étude clinique du sevrage (2022)
- Thèse : Connaissance des patients concernant le risque de dépendance aux médicaments antalgiques opioïdes : étude transversale descriptive dans les structures douleur chronique d’Occitanie (2020)
- Thèse : L’évaluation du risque de dépendance lors de la prescription d’antalgique opioïde par les médecins généralistes du Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées dans le cadre d’une douleur chronique non cancéreuse (2016)